La précision du vocabulaire employé pour définir l’objet d’une décision relative à un marché public est importante. Il en est de même pour la détermination de la disposition légale servant de fondement à cette décision. Le cas échéant, la moindre imprécision peut créer une ambiguïté prêtant à conséquences juridiques.
Dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur l’installation d’une détection incendie, le pouvoir adjudicateur constate, préalablement à la conclusion du marché, que l’adjudicataire ne dispose pas de l’agrément requis (BOSEC).
La décision prise par le pouvoir adjudicateur, suite à ce constat, est double :
- il décide d’une part de renoncer à l’attribution du marché ;
- il décide d’autre part d’attribuer le marché à une autre société.
La décision contient une référence précise à l’article 85 de la Loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, qui énonce : “L'accomplissement d'une procédure n'implique pas l'obligation d'attribuer ou de conclure le marché. Le pouvoir adjudicateur peut soit renoncer à attribuer ou à conclure le marché, soit recommencer la procédure, au besoin d'une autre manière.”
Le requérant ne manque pas de relever qu’il est difficile d’attribuer un marché auquel il a été renoncé, la renonciation mettant un terme à la procédure et nécessitant de recommencer une nouvelle procédure ab initio.
Le pouvoir adjudicateur avance pour sa part qu’il ne s’agissait pas d’une décision de renonciation mais d’une décision de retrait ne clôturant pas la procédure. Selon son argumentaire, il entendait en réalité retirer la décision d’attribution, ce qui lui permettait d’en prendre une nouvelle.
Le Conseil d’État, dans son arrêt n°255.315 du 20 décembre 2022, constate l’existence d’une double décision de retrait et de renonciation. Le juge administratif estime que l’intention du pouvoir adjudicateur ne peut être clairement et uniquement être définie comme un retrait, dès lors que l’article 85 de la loi susvisée sert de fondement à la décision. Dès lors que le pouvoir adjudicateur a mis fin à la procédure, il ne pouvait ensuite attribuer le marché à un autre soumissionnaire.
En conclusion, les pouvoirs adjudicateurs doivent être extrêmement précis dans l’énoncé de leurs décisions et de leur fondement légal.