L’adjudicateur se doit de contrôler les prix d’une offre, comme prévu à l’article 84 de la Loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, qui énonce :
« Le pouvoir adjudicateur procède à la vérification des prix ou des coûts des offres introduites, conformément aux modalités fixées par le Roi. Le Roi peut prévoir des exceptions à la vérification des prix ou des coûts pour les marchés fixés par Lui. À sa demande, les soumissionnaires fournissent au cours de la procédure de passation, toutes les indications permettant cette vérification. »
S’il semble à l’adjudicateur que le prix global ou un prix unitaire soit a priori anormalement haut ou bas, il lui revient de le vérifier.
Dans le cadre d’un marché public portant sur la livraison, l’installation et la maintenance de distributeurs automatiques de billets, un soumissionnaire évincé estime que l’adjudicateur a commis une erreur en ne vérifiant pas les prix de l’attributaire. À titre d’argument, il fait valoir la grande différence de prix constatée entre l’attributaire (21.390.625 euros HTVA) et les deux autres soumissionnaires (36.225.760 et 39.655.722 euros HTVA).
Selon ce soumissionnaire, cette différence de prix obligeait l’adjudicateur à considérer le prix de 21.390.625 euros HTVA comme a priori anormalement bas et à solliciter un justificatif, ce que l’adjudicateur s’est abstenu de faire.
Il faut admettre que ce différentiel ne peut que surprendre.
Cependant, le Conseil d’État, dans son arrêt n°256.672 du 2 juin 2023, rappelle que :
« l'éventuelle existence d'une différence importante entre les prix proposés par un soumissionnaire et ceux qui le sont par ses concurrents n'établit pas à elle seule que la partie adverse aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant tous ces prix comme n'apparaissant pas anormaux ».
Cette différence ne peut servir de balise dans le cadre de l’analyse des prix.
La vérification des prix ne cherche pas à vérifier la régularité du prix contrôlé au regard de la moyenne des autres prix. Cela reviendrait à vouloir gommer l’avantage concurrentiel des soumissionnaires.
Le juge administratif énonce sans ambages la finalité de ce contrôle, à savoir :
« s'assurer de ce que le prix proposé dans chaque offre peut garantir une exécution du marché conforme aux exigences édictées par les documents du marché et aux prestations proposées par les soumissionnaires en excluant toute spéculation au détriment des intérêts fondamentaux du pouvoir adjudicateur et des deniers publics ».
Seule l’exécution conforme aux documents contractuels doit guider l’adjudicateur sans son contrôle.
En ce sens, il ne peut être reproché à l’adjudicateur de se référer à l’estimation de la valeur du marché, telle que réalisée par ses propres soins avant l’entame de la procédure de marché, et qui au demeurant, peut justifier « (...) la décision selon laquelle les prix proposés par ce soumissionnaire ne présentent pas une apparence de normalité imposant d’inviter celui-ci à les justifier, aux fins de l’examen requis en présence d’une telle apparence d’anormalité ».