
Une évaluation prévue par la loi elle-même
La loi sur la protection des personnes majeures, adoptée le 17 mars 2013, prévoyait qu’une évaluation de son application serait réalisée neuf ans après son entrée en vigueur. Le rapport final de cette évaluation, commandé par le SPF Justice, est désormais accessible au public.
Cette loi a profondément modifié le cadre juridique en matière de protection des personnes majeures vulnérables.
Elle a supprimé les anciens régimes d’incapacité, tels que la minorité prolongée, la déclaration d’incapacité, le statut de conseiller·ère judiciaire et l’administration provisoire des biens. Ceux-ci ont été remplacés par un dispositif unique combinant deux types de protection : extrajudiciaire et judiciaire.
Désormais, toute personne majeure peut anticiper la gestion de ses intérêts pour le jour où elle ne serait plus en capacité de le faire elle-même. Cette gestion peut être confiée à une personne de confiance par le biais d’un contrat, avec la possibilité d’inclure certaines recommandations spécifiques. Il est aussi possible de désigner officiellement un·e administrateur·rice, qui pourra assister ou représenter la personne si une décision judiciaire de protection est prise.
La protection judiciaire, quant à elle, est ajustée en fonction de la situation personnelle et patrimoniale de la personne concernée. Le·la juge de paix définit les actes que cette dernière ne peut plus accomplir seule, tout en s’assurant qu’elle conserve, si possible, une certaine autonomie pour les décisions ayant un impact majeur sur sa vie. Cette protection peut être étendue à d’autres actes, si nécessaire.
En raison des transformations importantes introduites par cette réforme, la loi imposait au·à la ministre de la Justice de procéder à une évaluation et de soumettre un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2024. À cette fin, le SPF Justice a confié l’étude à un consortium d’universités (UHasselt, UCLouvain et UAntwerpen) après un appel d’offres public. Les chercheurs ont analysé plusieurs aspects clés, notamment le fonctionnement de la protection extrajudiciaire, la gestion des intérêts personnels et patrimoniaux par un·e administrateur·rice et la charge de travail supplémentaire pour les justices de paix.
Le rapport final est désormais disponible en ligne : cliquez ici
En exergue
Certificat médical : est-il obligatoire ?
Selon 70 % des juges de paix ayant participé à l'enquête, le certificat médical doit rester une exigence obligatoire. Ils considèrent qu’une analyse médicale est essentielle pour évaluer l'état de santé de la personne à protéger et prendre une décision éclairée.
En l'absence de certificat médical, les juges de paix décident de placer une personne sous protection uniquement si le demandeur parvient à prouver que la protection est nécessaire, ou s’il est impossible d'obtenir un certificat médical. Dans ces cas, le juge peut également prendre des mesures alternatives, comme désigner un expert, entendre la personne concernée, ou demander des informations à la famille ou aux services sociaux.
La prodigalité et la gestion des finances
Il est également possible de placer une personne sous protection sans certificat médical si cette dernière gaspille de manière excessive ses ressources financières (prodigalité). Toutefois, cela reste rare dans la pratique. En effet, 50 % des juges de paix affirment qu'ils prennent ce type de décision au maximum cinq fois par an.
Pourquoi cette situation est-elle si peu fréquente ? Parce qu'il est difficile de prouver la prodigalité. Il faut démontrer que la personne dépense de manière excessive, sans justification valable, et de façon régulière.
Dépendance et assuétude
Dans 40 % des demandes de protection, le juge refuse la demande, estimant que la personne concernée ne remplit pas les conditions prévues par la loi. Il s'agit principalement de personnes dépendantes aux jeux ou à des substances, ou de personnes âgées ayant des difficultés avec les démarches numériques (digitalisation).
Le problème réside dans le fait que ces difficultés ne sont pas reconnues comme des problèmes de santé, ce qui empêcherait de prouver l'incapacité de gérer les biens et/ou la personne avec un certificat médical. Bien que de nombreux juges considèrent qu'une mesure de protection serait nécessaire dans ces cas, cela ne peut être validé juridiquement sans preuves médicales.